Du choix d’un état de vie

On parle ici, premièrement, de la fin de l’Homme ; secondement, de la nécessité de la Vocation ; troisièmement, ce que c’est que la Vocation.

De la Fin de l’Homme.

Dieu ne vous a pas mis en ce monde pour devenir savant, pour y être grand, pour y amasser des biens, pour y manger et boire, pour y prendre vos plaisirs comme les bêtes ; mais il vous a créé pour le connaître, l’aimer et le servir, et par ce moyen gagner son Paradis.

De la nécessité de la Vocation.

L’on peut aimer et servir Dieu dans tous les états, pourvu que l’on y soit appelé ; et l’on ne peut ni l’aimer, ni le servir comme il mérite, ni gagner facilement son Paradis, si l’on est dans un état auquel on n’est pas appelé. Comme les membres qui sont dans leurs places, font facilement leurs fonctions, et aident à tout le corps ; et qu’au contraire, lorsqu’ils sont disloqués ou démis, ils ne peuvent les exercer ; ou que s’ils le sont, ce n’est qu’avec peine et douleur, et qu’ils sont à charge à tout le corps, jusqu’à ce qu’on les ait remis dans leur lieu naturel ; ainsi, si vous entrez dans l’état où Dieu vous appelle, vous aurez toute sorte de consolation et de paix dans cette vie, et vous réussirez en tout ; au contraire vous ferez dans le trouble, et l’inquiétude, et vous ne serez jamais rien qui vaille, si vous embrassez un état où Dieu ne vous appelle point : c’est pourquoi il est très-important que vous choisissiez bien l’état où Dieu vous appelle.

Ce que c’est que la Vocation.

Ne croyez pas que vous puissiez prendre toutes sortes d’états, suivant votre fantaisie, ou suivant la volonté de vos parents ; car vous appartenez à Dieu, qui a vu de toute éternité ce qu’il voulait faire de vous, et qui a disposé de vous donner les qualités naturelles nécessaires pour vous acquitter des devoirs de l’état, et de la condition où il vous destinait. Si vous vous disposez à écouter sa sainte  volonté comme on vous le dira ci-après, il a préparé des grâces, pour vous aider à vivre chrétiennement, et à mourir saintement dans l’état auquel il vous appelle.

Du choix de vie.

Ce qu’il faut observer avant que de faire choix d’un état de vie.

  1. Recommandez à Dieu ce choix.
  2. Priez pour cet effet la très-Sainte Vierge, votre bon Ange, votre saint Patron.
  3. N’attendez pas à l’âge de vingt-cinq ans à penser à ce que vous deviendrez. Pensez-y souvent, faites quelques communions, jeûnes, mortifications, aumônes pour ce sujet.
  4. Soyez indifférent pour tous les états auxquels Dieu voudra vous appeler. Ne regardez ni l’honneur, ni les plaisirs, ni les richesses, ni les parents : mais seulement si Dieu le veut, et si vous pouvez vous sauver dans cet état.
  5. Choisissez un sage Confesseur ou Directeur, à qui vous déclariez vos inclinations, vos intentions, vos vices, les bons sentiments que Dieu vous donnera, et vos forces de corps, et d’esprit.

Pendant ce choix.

  1. Faites, s’il se peut, une retraite spirituelle, ou quelques exercices de piété, suivant l’avis de votre Directeur.
  2. Une bonne Confession générale.
  3. Pensez devant Dieu si vous vous sentez assez de force, et de bonne volonté, pour satisfaire aux obligations de l’état que vous pensez embrasser.
  4. Demandez-vous à vous-même si vous conseilleriez, en pareille occasion à un ami, de faire un semblable choix ; si vous voudriez l’avoir fait à l’heure de la mort.

Après votre résolution prise.

  1. Offrez à Dieu le choix que vous venez de faire, et à vos saints Protecteurs.
  2. Demandez la grâce de la persévérance.
  3. Regardez comme des tentations les pensées contraires qui pourraient vous survenir.

Des marques pour connaître la vocation.

N’y avoir aucun empêchement.

La première marque pour connaître si Dieu vous appelle à un état, c’est de voir s’il n’y a pas quelque empêchement : par exemple, si vous n’avez pas assez de santé, de force, de vertu, pour certains états qui demandent de grandes dispositions, comme l’état de la Religion ; ou bien si vous aviez quelque empêchement au Mariage.

Avoir des dispositions naturelles.

La seconde marque est, quant au contraire vous avez toutes les dispositions naturelles, ou que vous les pouvez acquérir facilement, pour vous acquitter des obligations de l’état que vous voulez prendre.

L’inclination.

La troisième marque est, quand vous avez certaine pente, et une inclination depuis longtemps, qui ne change pas facilement, et qui vous laisse dans un état de confiance doux et paisible ; en telle manière que cet état semble votre centre.

La grâce.

La quatrième marque est, quand après la Communion, et lorsque vous êtes en état de grâce, Dieu vous touche le cœur par de certaines affections, et vous éclaire d’une telle manière, qu’il vous semble que si vous n’embrassez pas l’état qu’il vous fait connaître, vous vous en repentirez à l’heure de la mort.

La bonne intention.

La cinquième marque est, quand vous ne vous portez pas à un état par le mouvement de la concupiscence, par le désir de l’honneur, des richesses, pour plaire à vos parents, etc. Mais seulement pour plaire à Dieu qui demande cela de vous ; pour sauver votre âme, et pour aider au salut de votre prochain.

Des obligations principales des états que l’on peut choisir, et des vertus nécessaires pour s’acquitter de ses devoirs.

De l’état religieux.

Pour entrer en Religion, il faut être résolu de quitter le monde, les richesses, et les plaisirs : il faut n’avoir point de volonté-propre, et être dans la résolution d’en observer les vœux, et toutes les règles avec fidélité ; les dispositions que demande la Religion, sont un détachement entier de toutes choses, ou une espèce de mort au monde et à soi-même, une bonne santé, le désir et l’espérance de vivre dans une grande pureté, l’amour du prochain, du mépris, de la pauvreté, des souffrances, etc.

De l’état du Mariage.

Les Mariés doivent s’entr’aimer, se consoler, supporter leurs défauts, être fidèles l’un à l’autre, travailler, avoir soin de la bonne éducation de leurs enfants, et de l’instruction de leurs domestiques ; il faut qu’ils aient une grande patience, un soin particulier que Dieu ne soit offensé chez eux par les jurements, etc. Mais qu’il y soit servi le soir et le matin par la prière en commun ; que les Dimanches et les Fêtes soient sanctifiés ; ils doivent surtout donner bon exemple à leur famille.